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Martin Fournier

VIADUC

Un scénario de Martin Fournier

Long-métrage – Fiction – Drame comique

retour aux projets de Martin Fournier

 

Lorsque son père lui demande de l’aider à mettre fin à ses jours, Sophie aimerait pouvoir échanger sa vie, comme on échange un chemisier qui ne s’accorde pas avec le reste de la garde-robe.

 

SYNOPSIS

Viaduc est une comédie.

Une comédie, vraiment ?  Une comédie sur la fin de vie, le « laisser partir », la souffrance ?

Oui. Justement.

Viaduc est l’histoire d’une femme entre deux âges qui se demande si la vie qu’il est en train de vivre est bien la bonne. Une femme qui envisage de rapporter cette vie, pour l’échanger contre une nouvelle, une différente.

Mais ce n’est pas si simple ! Entonne le chœur grec des doubles d’elle-même qui, tels des Jiminy Cricket, se matérialisent autour d’elle pour la critiquer, la rappeler à l’ordre… et lui rendre la vie encore plus difficile.

Une comédie développée autour de l’intrusion de l’imaginaire dans le réel, par un humour un brin grinçant, un brin absurde. Mais un brin seulement.

Derrière ce brin, Viaduc est l’histoire d’une femme désarmée face à la condition humaine, une femme à qui son propre père demande l’impossible : l’aider à en finir avec une vie de souffrance qu’il ne supporte plus.

Une comédie dramatique, alors ? Au sens littéral, oui.

Car Viaduc est avant tout le défi d’aborder le drame sans pathos.

Un pas de côté, du côté de l’humour, pour accéder à la vérité de l’émotion. 


 

 

NB : Ce vidéo pitch a été réalisé pour une version préliminaire du scénario, dans laquelle le protagoniste était un homme.


 

NOTE D’INTENTION

 

L’idée centrale de ce scénario est de parler de la question de la fin de vie du point de vue de la « moitié de vie ».

Parler de cette « moitié de vie », coincée entre des parents qui deviennent dépendants et des enfants qui sont encore loin d’être indépendants. Des enfants qui nous jettent à la figure tous ces possibles devenus inaccessibles et des parents qui ne cessent de nous rappeler le la brièveté du temps qu’il reste pour réaliser le peu qui est encore envisageable.

Parler de la difficulté du « laisser partir ». Laisser partir des parents qui vieillissent et nous quittent. Laisser partir des enfants qui grandissent et nous quittent. Laisser partir une compagne ou un compagnon de route qu’on a quitté depuis longtemps alors même que l’on continue à partager son lit. Laisser partir aussi ces rêves d’enfant qui s’accrochent malgré les assauts répétés de la vie qui nous jettent à la figure la certitude de leur irréalisme.

Grandir, vieillir, faire le deuil. Tous les deuils. Laisser partir pour commencer soi-même à se préparer à partir.

Viaduc est l’histoire d’une femme entre deux âges de qui on attend l’impossible.

Son père, malade, souffrant depuis des années, a pris la décision d’en finir avec cette vie de torture et lui demande de le conduire jusqu’au viaduc duquel il a décidé de se jeter.

Viaduc est l’histoire d’une femme confrontée frontalement à la condition humaine sans avoir la possibilité de détourner le regard. Une femme confrontée à l’obligation de laisser partir, sans y avoir été préparé.

Viaduc est l’histoire d’une femme comme toutes les autres, qui se demande pourquoi la vie s’acharne contre elle et qui se trouve face à des choix impossibles mais incontournables.

Viaduc est également un défi. Celui de s’attaquer à des questionnements d’une lourdeur extrême sans pathos, par l’angle de la légèreté. Une légèreté et une forme de distanciation prises comme raccourcis vers la complexité et l’universalité pour court-circuiter le dédale des images toutes faites. Pour atteindre la vérité de l’émotion, le parti pris est de faire un pas de côté, du côté de l’humour, un décalage indispensable pour éviter l’écueil d’une émotion réduite à son idéalisation.

Si la vie s’acharne sur Sophie, les épreuves qu’elle affronte sont inhérentes à la condition humaine et nous attendent tous, sous une forme ou une autre. Alors qu’elle a la sensation de vivre une vie qui n’est pas la sienne, son histoire pourrait être la nôtre. Et lorsqu’elle devient effectivement la nôtre, elle nous submerge comme elle submerge Sophie, sous un flot de dilemmes qui font voler en éclat la moindre certitude.

Le dispositif formel mis en œuvre dans Viaduc consiste à jouer avec cette sensation de submersion. Jouer au sens littéral, pour offrir un contrepoint de légèreté onirique au poids et à la lourdeur de la structure narrative « brute ». Un contrepoint qui repose sur l’exploitation filée de deux thèmes : la sensation d’être étranger à sa propre vie et la multiplicité du moi. Le jeu joué par Sophie et son père sur leur relation et la matérialisation des « doubles » visent ainsi à créer un décalage onirique qui, à la manière du Bertrand Blier de Trop belle pour toi ou Le bruit des glaçons, vient tout à la fois à approfondir et alléger le cœur du propos.

Sans être autobiographique, Viaduc est également en partie mon histoire.

Je me suis retrouvé dans cette chambre, face à mon père qui souffrait depuis des années. Un père qui n’en pouvait plus et qui m’a fait cette demande horrible, irréelle, inconcevable, de lui promettre de le conduire jusqu’à son viaduc.

Ce jour-là, le sol s’est ouvert sous mes pieds. C’est moi qui tombais de son viaduc. Mais au même moment, une autre partie de moi me regardait tomber, froidement, d’un regard étonnamment extérieur.

Cinq minutes plus tard, je plaisantais avec mon père, dans cette même chambre, autour de ce même lit et je me demandais si je n’avais pas tout rêvé.

Je n’ai pas eu à conduire mon père jusqu’à son viaduc. La maladie s’en est chargée. Je ne sais toujours pas si je l’aurais fait. 

 


Illustration du procédé de matérialisation des doubles